Questions simples que voudraient poser les Marocains à leur roi

 

Mohamed VI,

Suite à mon précédent appel urgent en faveur de réformes profondes, je voudrais vous poser un certain nombre de questions que vos « sujets » n’osent pas formuler de peur d’être lourdement sanctionnés pour « outrage à la personne sacrée du roi ». Tout chef d’Etat que vous soyez, vous vous honoreriez en y répondant et donneriez du royaume une image démocratique.

1-      Croyez-vous réellement que, du fait de votre généalogie, vous êtes une personne supérieure aux autres Marocains ? Si vous n’en êtes pas convaincu, pourquoi continuez-vous à recourir à la beïa et à d’autres pratiques médiévales qui humilient votre peuple ?

2-      Etes-vous bien conscient qu’au Maroc seuls ceux qui profitent de leur proximité avec vous et votre famille défendent en public votre statut de Commandeur des croyants, de Cherif et de monarque absolu ? Savez-vous qu’en privé la plupart de ces opportunistes et de ces courtisans se moquent royalement de ce statut et que seuls leurs intérêts comptent à leurs yeux ? Ne pensez-vous pas que si vous étiez un justiciable comme tous les autres Marocains, susceptible de répondre devant la justice de ses actes, ce serait mieux pour le pays ?

3-      Comment réagissez-vous quand vous rencontrez d’autres rois qui ne se considèrent pas supérieurs à leurs concitoyens, comme en Angleterre, aux Pays Bas ou en Espagne ?

4-      En lisant le code pénal marocain, n’êtes-vous pas choqué de constater que vous et votre famille bénéficiez de privilèges exorbitants ?

5-      Seriez-vous prêt, si le peuple vous le demandait, d’abdiquer au profit d’un autre membre de votre famille ? Et si le peuple souhaitait faire du Maroc une République, accepteriez- vous le choix du peuple ou n’hésiteriez-vous pas à vous y opposer par la force en versant le sang ? Ne me dites pas que « le peuple ne le demandera jamais » ou que « la constitution ne le permet pas ».

6-      Avez-vous conscience que si vous abolissiez les privilèges d’une petite minorité et les inégalités qui frappent la grande majorité, vous rendriez un grand service au Maroc et à son peuple ? Réalisez-vous que, si vous le faisiez, les vautours, qui vous entourent ne pourront plus faire de mal au peuple ? Que si vous preniez une telle décision, beaucoup de dysfonctionnements dans différents secteurs se régleraient rapidement et spontanément ?

7-      Vous sentez-vous capable de procéder à des changements profonds parmi vos conseillers, le personnel de vos cabinets et au sein de votre gouvernement pour éviter le chaos au Maroc ? Seriez-vous capable d’annoncer des réformes profondes au peuple marocain sans y être contraint par des indicateurs au rouge mais juste en vous basant sur vos propres constatations ?

8-      Vous n’ignorez pas que la Constitution actuelle du Maroc, rédigée sur mesure par votre père, vous confère des droits absolus, dont le cumul des pouvoirs exécutif, législatif et judicaire. Vous savez aussi que les deux chambres actuelles ne représentent guère le peuple marocain en raison de la corruption et des conflits d’intérêts lors des scrutins. Vous savez aussi que la Justice au Maroc est malade et que le gouvernement se borne pour l’essentiel à expédier les affaires courantes. Pourquoi alors laissez-vous ce système inéquitable et inefficace perdurer ? Le peuple est convaincu que vous le faites exprès en ne songeant qu’à vos propres intérêts et ceux de vos proches. Pourquoi ne faites-vous rien pour lever ce flou ? Pourquoi ne modernisez-vous pas la Constitution en donnant davantage de pouvoirs au peuple qui retrouverait un peu de dignité ?

9-      Avez-vous pris le temps, au moins une fois durant votre règne, pour voir de très près comment votre droit de grâce est utilisé ? comment le perçoivent réellement tous les prisonniers, ainsi que leurs familles ?

10-  Vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler d’affaires comme celle d’Ali Lamrabet, dite aussi de la pierre sacrée, ou de Mustapha Adib que je suis, ou d’Ahmed Benseddik qui a tout perdu alors qu’il ne voulait que servir sa patrie, ou des étudiants de Marrakech, de Fez ou d’autres villes ; ou des nombreux syndicalistes et autres journalistes, ou du défunt vieillard qui est mort en prison à 90 ans parce qu’il vous « aurait manqué du respect », ou de  l’affaire Terhzaz qui n’a fait que son devoir et avec lequel l’ensemble des militaires est d’accord, ou de nombreuses violations des droits de la défense de vos citoyens devant les tribunaux de votre royaume et en votre nom de surcroît. Ça ne vous fait pas absolument rien d’apprendre que chaque jours des milliers de marocains souffrent ainsi ?

11-  Pensez-vous réellement que la distribution de paniers de denrées basiques à une population que votre père a laissé pauvre à mourir et analphabète, suffira pour que vous soyez « aimé » par cette même population, ou par le reste des marocains ?

12-  Vous ne vous sentirez pas injuste, si vous appreniez que tous les avantages que vous accordez à certains marocains, comme les agréments de transport ou de pêche, les terrains et autres, créent plus de mécontents que d’heureux ? N’est il pas temps de vous désengager totalement de tout cela, et de laisser des commissions indépendantes et intègres, voir populaires, statuer sur ces demandes ?

13-  Savez vous que les militaires détestent les vieux généraux de l’armée que vous avez gardé de l’ère Hassan II, car ils ont créé un système qui permet à la hiérarchie de voler impunément les biens, la nourriture et même la vie de ces militaires ? Une partie de cette hiérarchie s’en met plein les poches en vendant les permissions, les avantages légitimes, les postes de commandement ou de simple position avantageuse comme la ville d’Agadir.

14-  Pourquoi ne limogez-vous pas les généraux de l’armée impliqués dans les faits de corruption ? Pourquoi n’ordonnez-vous pas leur traduction en justice pour toutes les injustices qu’ils commettent à l’encontre de votre peuple ? Vous dites aimer votre peuple : attendez-vous alors que celui-ci se révolte pour que vous vous décidiez enfin ? Pensez-vous que ces généraux sont indispensables à vous même et à votre dynastie ? Ou tout simplement vous n’avez pas le courage de les limoger car vous êtes incertain de ce qui pourrait ensuite se produire ?

15-  Vous rendez-vous compte que si le peuple se soulevait, cette catégorie de généraux n’aura qu’un choix à vous proposer : ouvrir le feu sur la population ? Pourquoi ? car si le peuple prenait le pouvoir, c’en serait fini pour eux et pour leurs proches. Ils ne pourraient même pas fuir à l’étranger car des mandats d’arrêt internationaux les attendent. Donc ils essayeront de vous impliquer encore plus dans leurs tristes combines.

16-  Etes-vous vraiment convaincu que vos généraux maîtrisent bien leurs troupes et que celles-ci les suivront si on leur demande de réprimer le peuple ? Avez-vous songé qu’il y a dans l’armée de braves officiers, sous-officiers et hommes de troupes qui refuseront de tirer sur leurs concitoyens ?

17-  N’êtes-vous pas choqué de constater que, 12 ans après votre intronisation, les Marocains sont toujours obligés de soudoyer, de donner du bakchich et de s’abaisser pour avoir leurs moindres droits ? Et que, pire encore, la majorité de votre peuple n’a plus les moyens de soudoyer quiconque ? Les Marocains ne croient plus à la lutte contre la corruption qui devrait commencer par l’arrestation des grands corrompus avant de ne s’attaquer aux petits.

18-  Gardez-vous la conscience tranquille en apprenant que, chaque jour, de jeunes Marocains et Marocaines, dont beaucoup meurent, tentent de quitter votre royaume pour rejoindre l’Europe, alors que les fortunes amassées frauduleusement par des centaines de vos collaborateurs auraient pu servir à créer des emplois durables pour ces jeunes ici au Maroc ?

19-  Etes-vous insensible au sort de ces milliers de fonctionnaires, dans la police, la santé, les forces auxiliaires, l’éducation nationale, l’agriculture, l’intérieur, les finances, les collectivités locales, etc. qui ne se sentent plus à l’aise dans leurs fonctions par manque de moyens et d’une rémunération à la hauteur de leur dévouement ?

20-  Ne trouvez-vous pas ridicule et indécent de voir ces foules qui vous acclament chaque fois que vous êtes en déplacement ? Elles sont là parce que les Caïds ont l’obligation de rassembler ces foules qui, en échange, reçoivent un peu d’argent ou de petits privilèges.

21-  On pourrait comprendre que vous censuriez des livres et des publications qui toucheraient de façon flagrante aux mœurs et à la religion. Mais nous ne comprenons pas pourquoi vous censurez également les livres qui vous critiquent ou les livres qui dévoilent des vérités ou des informations contraires à celles que vous véhiculez. C’est le cas aussi pour les média audio visuels que vous accréditez ou non selon qu’ils vous rejoignent dans vos idées ou non. Est-ce cela la liberté d’expression pour vous ?

22-  Vous concevez bien que le Maroc se « Benalise » : un chef d’état omniprésent (politiquement et économiquement surtout), un parti prépondérant étroitement lié au chef de l’état, un appareil répressif efficace, une justice aux ordres du pouvoir.  Préférez-vous assurer votre tranquillité par la dictature plutôt que d’accorder à votre peuple ses droits à l’équité, à la liberté et à la justice ?

23-  Pouvez-vous être transparent avec votre peuple ?  Pourquoi des dossiers comme ceux de Benbarka ou de Manouzi n’ont pas ou ne peuvent pas être résolus ? Pourquoi y a-t-il une telle opacité sur l’étendue de votre fortune ? Sur vos projets d’investissement ?

Mohamed VI,

Montrez nous que vous nous aimez réellement, que vous nous respectez réellement, que vous êtes prêt à nous guider vers le meilleur sans profiter de nous ou de notre patrie.

Montrez nous que vous nous considérez comme des citoyens à part entière, et que vous êtes désormais aussi un citoyen à part entière.

Mohammed VI,

N’ayez aucun doute. Je vois déjà vos journalistes makhzénisés, vendus et/ou récupérés s’acharner une nouvelle fois contre moi pour crier à la « manipulation » ou à la « trahison ». En bons courtisans, ils vous couvriront d’éloges défendant envers et contre tout votre trône que « rien ne saurait menacer ». Ces mêmes journalistes qui, si votre régime tombait, n’auraient que leurs yeux pour pleurer et dire qu’ils avaient peur et que vous et votre entourage les obligiez à aller à l’encontre de la volonté populaire.

Même constat pour nos « partis » politiques, dont l’immense majorité ne représente plus rien sinon l’ambition de leurs leaders. Ils sauteront sur l’occasion pour demander encore plus se contentant en échange d’exprimer leur « indéfectible loyauté et leur solidarité infaillible » au trône, au roi, etc.

Je m’imagine déjà arrêté encore une fois, traduit en justice pour « donner l’exemple » aux futurs manifestants, aux actuels ou futurs opposants, ou aux braves militaires de notre armée. Arrestation qui pourra survenir maintenant ou plus tard sous d’autres prétextes bien sûr. Une méthode de la part de votre régime qui sert à tout, sauf à donner des exemples au peuple marocain. Mais sachez que, comme je l’ai dit, cela ne me fait pas peur. Car si vous êtes incapable de vous sacrifier pour ce pays, et bien les Marocains, égaux entre eux, sont capables de le faire. Et je suis l’un des premiers prêt à le faire.

 

Vive un Maroc libre !

Vive un Maroc juste !

Vive un Maroc fraternel !

Vive le Maroc !

 

Mustapha Adib

Le 01/02/2011

-  Ex-Capitaine de l’armée de l’air au Maroc ;

-  Ancien détenu d’opinion suite à la dénonciation de la corruption au sein de l’armée ;

-  Lauréat du Prix de l’Intégrité 2000 décerné par Transparency International ;

-  Ancien adopté par Amnesty International ;

-  Ancien soutenu par Avocats Sans Frontières, la FIDH, l’OMCT et HRW ;

-  Ayant fait l’objet d’une décision du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire (ONU) demandant au gouvernement du roi du Maroc de libérer le Capitaine Adib immédiatement et sans condition, et que ledit gouvernement n’a pas daigné libérer avant l’exécution de la totalité de la peine de deux ans et demi ;

-  Ingénieur en Télécommunication.

-  Site internet : www.adib.fr